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HARCELEMENT MORAL : Employeur déclaré responsable civilement du délit de harcèlement moral commis par des salariés ayant une délégation de pouvoir

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Cass. Crim., 13 nov. 2018, n° 17-81.398. « La caractérisation du délit de harcèlement moral au travail de l’article 222-33-2 du Code pénal suppose l'accomplissement d’agissements répétés et peut être prouvée par témoignages dès lors que ces éléments sont contradictoirement débattus devant le juge pénal. La commission de cette infraction par un salarié engage en principe la responsabilité civile de son employeur sur le fondement de l’article 1242, alinéa 5, du Code civil ».

Les faits

Une salariée assistante de direction d’une clinique, dépose une plainte pour harcèlement moral au travail à l’encontre du responsable des ressources humaines et du directeur général.

Il est reproché notamment, au directeur général d’avoir refusé des contacts de collaboration directe avec la plaignante, proféré des paroles agressives et humiliantes et exercé une surveillance très étroite sur son emploi du temps. Les témoignages font état de cette agressivité verbale et des insultes qu’il avait envers la salariée. Il lui avait envoyé des documents au visage refusant quelconque entretien avec elle, lui demandant des courriels si elle voulait lui parler.

Cela se répercutait sur l’état de santé de la salariée qui pleurait souvent et avait maigri.

La Cour d’appel de Versailles a, par son arrêt du 3 février 2017, déclaré le directeur général de la clinique coupable de harcèlement moral à l’encontre de la salariée plaignante et l’a condamné à une amende de 3.000 euros, ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros à titre de dommage-intérêts. Le responsable des ressources humaines a été également condamné. La clinique a, quant à elle, été déclarée civilement responsable des agissements de ces deux personnes salariées en application de l’article 1242, alinéa 5, du Code civil.

Le directeur général contestait sa condamnation en invoquant, notamment, l’absence de preuve de l’infraction reprochée, que le harcèlement moral doit être distingué de l’exercice, même autoritaire, du pouvoir d’organisation et de contrôle d’un supérieur hiérarchique et que le résultat infractionnel visé par l’article 222-33-2 du Code pénal n’était pas établi. La clinique déclarée civilement responsable contestait quant à elle le principe de sa responsabilité et les éléments retenus à titre de preuve.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre l’arrêt d’appel.

Concernant la responsabilité civile de l’employeur des salariées auteurs de harcèlement moral : « La Cour d’appel a apprécié souverainement la valeur de la portée des éléments de faits et des témoignages contradictoirement débattus et a caractérisé à l’encontre de M.X… (directeur général) des agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effets une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Mais aussi, s’agissant de la responsabilité civile de l’employeur du fait ses salariés : « elle est engagée en application des règles de droit civil, qui régissent les relations entre le commettant et le préposé, selon le disposition de l’article 1384, alinéa 5 ancien, devenu l’article 1242-2, alinéa 5, du Code civil, et dont il résulte en substance que pèse une présomption de responsabilité du commettant du fait de son préposé, sauf à ce que le premier démontre que le second a agi sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, et s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé (Cass. Ass. plén., 17 juin 1983, n° 82-91.632) », « que la faute pénale du préposé, dont résulte la faute civile au sens des textes précités, ne peut plus être contestée par le commettant, fût-ce à l’occasion d’un procès ayant pour objet la seule action civile, lorsqu’elle constitue le fondement d’une condamnation pénale devenue définitive », pour conclure que le délit de harcèlement moral imputé au responsable des ressources humaines étant établi par une déclaration de culpabilité définitive et irrévocable, il en résulte que « la clinique, dont la responsabilité civile est engagée de ce fait, s’il lui est loisible d’invoquer une cause d’exonération de sa responsabilité en établissant que ce préposé s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé, n’est plus recevable à contester l’existence de la faute commise par ce dernier ».

 

Tristane Biunno, avocat droit du travail Aix en Provence